Lorsque je fais des démonstrations de mon artisanat, je dois souvent expliquer la différence qu’il y a entre une teinture et une peinture… Toutes les deux colorent des choses, mais ne fonctionnent pas de la même façon. Une peinture va couvrir un support en restant en surface, la plupart du temps grâce à un liant qui va améliorer sa tenue sur ledit support. On parle alors de pigment, terme qu’on ne va pas employer en teintures lorsqu’on parle des matières tinctoriales.
Une teinture, lorsqu’elle elle est bien faite, suppose une liaison solide et durable entre le support et le colorant. En teintures naturelles, on se sert souvent de mordants, des sels métalliques qui vont former des complexes chimiques entre les molécules tinctoriales ou colorants, solubles dans l’eau, complexes qui vont pouvoir se fixer aux fibres.
Il y a pourtant un terme commun qu’on va pouvoir employer en teintures comme en peintures, celui de « laque ». A partir de bains de teintures, on va pouvoir fabriquer des pigments, en se servant de la même chimie que celle qui entre en jeu dans le mordançage: l’association de sels métalliques avec des molécules tinctoriales pour former des complexes insolubles, non plus fixés sur des fibres comme en teinture, mais qui vont pouvoir être transformés en pigments!
When I do public demonstrations, I often have to explain the difference between a dye and a paint… (in french, there is only one letter that is different from the word teinture/dye and peinture/paint). They both color things, but they don’t work in the same way. A paint will cover a surface most of the time thanks to a binder that will improve its hold. This is called a pigment, a term that is not used in dyes when talking about dyestuffs.
When dyeing is done properly, a solid, lasting bond between the fibre and the dye is created. In natural dyes, we often use mordants, metallic salts that form chemical complexes between the dye molecules or colorants, which are soluble in water and can attach to the fibres.
There is, however, a common term that can be used for both dyes and paints: lake. Pigments can be made from dye baths, using the same chemistry as that involved in mordanting: metal salts are combined with dye molecules to form insoluble complexes, which are no longer fixed to fibres as in dyeing, but can be transformed into pigments!
Je n’ai jamais beaucoup de temps pour faire des laques à partir des nombreux bains de teinture parfois encore chargés en colorants que j’utilise à l’année, mais pour un usage occasionnel, c’est une bonne solution de faire des laques afin de recycler les bains encore riches en colorants. On peut bien entendu extraire les colorants de plantes pour en faire des laques uniquement à cet usage.
Pour réaliser des laques, c’est assez simple (et demande parfois un peu d’entraînement, comme souvent en artisanat!). Comme d’habitude, il n’y a pas une recette précise mais plutôt une façon de procéder. Voici une recette que j’ai pu trouver à plusieurs reprises dans mes recherches, autant commencer par là…
I never take enough time to make lakes from the many dye baths I use over a year, some still rich in dyestuff, but if you are a recreational dyer, it’s a good way solution to recycle dyebaths. You can of course extract dyestuff for the sole purpose of making lake afterwards.
Making lakes is pretty straightforward (and sometimes requires a bit of practice, as is often the case in crafts!) As usual, there isn’t a precise recipe, but rather a way of doing things. Here’s a recipe I’ve come across several times in my research, so I might as well start with that…
Pour 1l de solution colorée (bain de teinture utilisé ou extraction à partir d’une plante ou d’un insecte tinctorial):
– 10g d’alun
– 5g de carbonate de sodium (soude)
Après avoir soigneusement filtré la solution colorée, mettez-la dans un grand contenant. Faites bouillir de l’eau (de préférence distillée) pour solubiliser l’alun dans un récipient et la soude dans un autre (de petits volumes suffisent). On verse d’abord la solution d’alun dans la solution colorée puis la soude, tout en ne cessant de remuer. Le pH devrait être neutre après ça (l’alun étant acide et la soude alcaline).
Il y aura pas mal de bulles voire une grosse effervescence, signe de la production de CO2. La solution devient opaque et change de couleur, de l’hydroxyde d’aluminium se forme, formant des complexes avec les molécules colorantes qui vont précipiter.
Laissez décanter une journée entière, le liquide au-dessus du précipité devrait être clair, sinon on peut ajouter un peu d’alun puis un peu de soude et répéter le processus. La recette est à adapter en fonction des colorants encore présents en solution. J’ai testé la potasse (carbonate de potassium) en remplacement de la soude, ça marche également. Certaines recettes utilisent de la chaux.
For 1l of colored solution (used dye bath or extraction from a dye plant or an insect dye):
– 10g of alum
– 5g of sodium carbonate (soda)
After carefully filtering the colored solution, place it in a large container. Boil some water (preferably distilled) to solubilise the alum in one container and the soda in another (small volumes are sufficient). Pour the alum solution into the colored solution first, then the soda, stirring constantly. The pH should be neutral after this (the alum being acidic and the soda alkaline).
There will be quite a few bubbles and even a large effervescence, a sign that CO2 is being produced. The solution will become opaque and change color, and aluminium hydroxide will form, forming complexes with the dye molecules that will precipitate.
The liquid above the precipitate should be clear. If not, you can add a little alum, then a little sodium hydroxide, and repeat the process. The recipe should be adapted according to the dyes still present in solution. I’ve tried potash (potassium carbonate) to replace the soda, and it worked too. Some recipes use lime/calx as well.



Une fois que la décantation est faite, on peut jeter la solution transparente au-dessus et procéder à la filtration. Des filtres à café feront très bien l’affaire.
Once decanting is complete, you can throw away the transparent solution above and proceed to filtration. Coffee filters will work well.

Quand je travaille de hors, des petites bêtes s’invitent souvent dans mes affaires…
When I work outside, some critters often get into my stuff…

Il faut s’armer de patience pour la filtration, cela peut prendre beaucoup de temps mais on peut ensuite faire sécher le pigment ainsi obtenu.
One has to be patient for the filtration process, it can take a long time, but you’ll be able to dry the pigment following that step.


Voilà à nouveau quelques images des étapes, réalisées avec les bains de teintures du Forum textile 2023. La floculation est le premier signe de la réussite.
Here are some more images of the steps, done during the Textile Forum 2023 with spent dye baths. Floculation is the first sign of success.

Et souvent, c’est beau à observer!
And it’s often beautiful to watch!


Non, ça ne se mange pas… Nous avons du improviser un peu pour le séchage de nos laques.
No, it’s not edible… We had to improvise a bit for the drying of our lakes.


Après séchage, vous pouvez broyer finement vos pigments dans un mortier (comme d’habitude, mieux vaut utiliser un mortier réservé à cet usage et pas quelque chose que vous allez réutilisez en cuisine…). Il existe également des outils spécialisés en verre appelées molettes à broyer, qu’on utilise sur une plaque en verre ou en marbre. Voici un beau pigment de cochenille (en haut) et un pigment de garance (en bas).
After drying, you can finely grind your pigments in a mortar (as usual, it’s best to use a mortar reserved for this purpose and not something you’re going to reuse in the kitchen…). There are also some special tools called glass mullers, that you use on a glass or marble surface. Here’s a nice cochineal pigment (top) and a madder pigment (bottom).

Pour la suite et l’utilisation de ces pigments, ce n’est plus de mon domaine de compétences et je ne m’y risquerais pas vu que je dessine comme un chat avec sa queue… Mais ces pigments végétaux peuvent servir à réaliser des peintures tempera, des aquarelles ou des gouaches en les travaillant avec des liants et additifs différents (œuf ou graisse pour la tempera, gomme arabique, caséine, gélatine etc.). Vous trouverez des pistes ici.
En Belgique, une entreprise réalise depuis 2014 des laques végétales, vous pouvez aller voir le site de Lutea si vous ne connaissez pas, c’est très beau!
La fabrication de laques est très amusante, même si elle demande un peu de temps. En « laquant » des bains de teintures déjà utilisés, on n’a jamais exactement le même résultat final, mais la satisfaction de tirer le maximum d’un bain de teinture. Et si comme moi vous n’êtes pas doué en peinture, vous connaissez peut-être des artistes qui seront heureux de recevoir des pigments naturels faits maison!
As for what happens next and how to use these pigments, that’s not my area of expertise and I wouldn’t dare, as I draw like a cat with its tail… But these vegetable pigments can be used to make tempera paints, watercolors or gouaches by working them with different binders and additives (egg or fat for tempera, arabic gum, casein, gelatin etc.)…
In Belgium, a company has been making plant-based lakes since 2014, you can check out the Lutea website if you don’t know it, it’s beautiful!
Making lakes is great fun, even if it does take a bit of time. By ‘ »laking » previously used dye baths, you never get exactly the same end result, but the satisfaction of getting the most out of a dye bath. And if, like me, you’re not very good at painting, you may know some artists who will be happy to receive some homemade natural pigments!
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