La Nature est quelque peu déboussolée par la météo ces temps-ci. On a vu des fleurs d’avril s’ouvrir en mars et des fleurs de mai s’épanouir en avril. Dans les champs, le colza est en train de défleurir, je crois que je n’ai jamais vu une floraison aussi précoce… Il a énormément plu, puis le vent a desséché les sols en surface. Le froid n’en finit pas… Les semis ont eu du mal à lever ou ne lèvent pas, bref, c’est un peu compliqué! En fait, nous avons eu un « vrai » mois d’avril, mais la Nature avait pris trop d’avance, comme souvent ces dernières années.
La terre est redevenue plus facile à travailler et j’ai finalement pu m’occuper de mon jardin, enfin de la partie tinctoriale/utilitaire en tout cas. J’ai déjà pas mal parlé de la culture de tinctoriales et de mon jardin sur ce blog, c’est toujours un bonheur d’y passer plus de temps. Les plantes ont bien profité de la pluie et tout pousse à toute vitesse!
Nature has been a bit disorientated by the weather lately. We’ve seen April flowers opening in March and May flowers blooming in April. In the fields, the oilseed rape is in the process of deflowering, and I don’t think I’ve ever seen such early flowering… It rained a lot, then the wind dried out the surface of the soil. The cold never ends… The seedlings were having trouble germinating, or not germinating at all – in short, it’s a bit complicated! In fact, we had a ‘real’ month of April, but Nature had an early start, as she often does in recent years.
The soil has finally become easier to work and at alst I was able to tend to my garden, well the dyeing/utilitarian part of it anyway. I’ve already written quite a bit about growing dyeplants and my garden on this blog, and it’s always a pleasure to spend more time in it. The plants have really benefited from the rain and everything is growing fast!

Quand on fait le choix de laisser la Nature s’épanouir, tout devient plus difficile au jardin. Il est plus facile de passer tondeuses et débroussailleuses partout ou d’anéantir les « mauvaises herbes » au désherbant, mais cela donne des jardins morts, jolis à regarder pour beaucoup de gens, mais hostiles à la Vie. Quand on laisse de la place aux plantes que d’autres appellent mauvaises herbes, il faut passer du temps à contre-balancer car la Nature sauvage est puissante, elle pousse et s’étend vite, recouvre les plantes cultivées et prend le dessus. Je n’aime pas trop brider la Nature, mais quand on veut cultiver des fleurs, des légumes ou des plantes tinctoriales, le contrôle de cette vague puissante du sauvage est nécessaire.
En jardinant ainsi, on apprend l’humilité… parce que les sauvages sont forts!
When you make the choice of giving space to nature, everything in the garden becomes more difficult. It’s easier to run mowers and brushcutters all over the place, or to kill off ‘weeds’ with weedkiller, but the result is a dead garden, pretty to look at for many people, but hostile to Life. When you leave room for plants that others call weeds, you have to spend time counter-balancing them, because wild Nature is powerful, it grows and spreads quickly, covers cultivated plants and takes over. I don’t like controlling Nature too much, but when you want to grow flowers, vegetables or dye plants, you need to harness this powerful wave of the wild stuff.
Gardening like this is learning humility… because wildlings are strong!

Souvent les débutants au jardin se lancent dans les cultures plein d’enthousiasme et en se disant que ça ne doit pas être si difficile et déchantent assez vite. Entre les aléas météo et les insectes ou baveux friands de jeunes pousses, la vie de jardinier ou de cultivateur respectueux de la Nature est loin d’être simple et demande du temps, beaucoup de temps!
Newcomers to gardening often start out full of enthusiasm, thinking that it can’t be that difficult, but soon become disillusioned. Between the weather and the insects and slimy buggers that love young shoots, the life of a gardener or grower who respects Nature is far from simple and takes time, lots of time!

Voilà à quoi ressemblait une partie de mon coin à plantes tinctoriales avant et après quelques heures de travail… Je laisse toujours des touffes d’orties, de lamier blanc, de millepertuis et de quelques autres fleurs précoces qu’aiment les pollinisateurs (pissenlit par exemple), mais tout ce petit monde a vite fait de stolonner, se ressemer, s’étendre et prendre la place!
This is what part of my dye plant patch looked like before and after a few hours’ work… I always leave spots of nettles, white dead-nettle, St John’s wort and a few other early flowers that pollinators love (dandelion, for example), but all these little creatures quickly take root, reseed, spread out and take up space!

J’y ai fait un gros ménage en laissant toutefois quelques plantes, par exemple autour des bacs en bois qui ont tendance à trop prendre la chaleur en été. Comme beaucoup de gens, j’ai été tentée par la culture en « carrés potagers » mais je trouve qu’ils ont vraiment trop tendance à chauffer et la terre se dessécher dedans. J’en ai gardé 2 grands, pour la garance qui demande une terre profonde que je ne peux pas lui offrir dans mon argile à silex et de la camomille des teinturiers ainsi que des semis de fleurs diverses (calendula et cosmos par exemple, principalement pour la beauté et les insectes). Un peu de pastel aussi.
I’ve tidied it up a bit, although I’ve left a few plants, for example around the wooden squares which tend to get too hot in summer. Like many people, I’ve been tempted to grow in « garden squares » but I find that they tend to heat up too much and the soil in them dries out. I’ve kept 2 large ones, for madder, which needs deep soil that I can’t provide in my clay-rich soil full of flint-stones, and dyer’s camomile, as well as various flower seedlings (calendula and cosmos, for example, mainly for beauty and insects). A bit of woad too.

Je dois surveiller les orties dont la principale occupation à part grandir en hauteur semble être de vouloir coloniser mes bacs, où leurs puissants stolons traçants avancent sans peine au détriment des rhizomes de la garance et des racines pivot du pastel…
I have to watch the nettle whose main occupation, apart from growing, seems to be eagerly colonizing my squares, where their powerful tracing stolons move with ease, competing with the madder rhizomes and the woad pivot roots…

A l’automne dernier, j’ai repiqué les jeunes plants de pastel issus des semis naturel des plantes dans leur deuxième année et j’en ai retrouvé perdus dans les graminées… Il faut savoir qu’une prairie, même quand on dégage le sol depuis de nombreuses années n’a qu’un but: redevenir une prairie! Les racines de graminées voyagent profondément dans le sol et s’étendent, prêtes à engloutir nos précieuses plantations!
Last Fall, I transplanted the woad seedlings from the natural sowing of plants in their second year and found some lost in the grasses… One has to realise that a meadow, even when the soil has been cleared for many years, has only one aim: to become a meadow again! Grass roots travel deep in the soil and spread out, ready to swallow up our precious plantings!

Les pastels ont migré depuis leur installation il y a plus de 10 ans, les plantes de deux ans fleurissent désormais le long de la haie près de mon atelier, cette fois je vais récolter plus de graines et les semer de manière ciblée à l’automne, histoire de contenir tout ce petit monde! J’ai déjà préparé un nouvel espace de culture pour ça, qui restera inoccupé et enrichi de compost cette année pour accueillir le pastel l’année suivante. le pastel est un gourmand qui aime les sols riches…
The woad has migrated since it was first installed over 10 years ago, the two-year-old plants now flourish along the hedge near my workshop, this time I’m going to collect more seeds and sow them purposefully in the Fall, just to contain all this little world! I’ve already prepared a new growing area for this, which will be left unoccupied and enriched with compost this year to accommodate the woad the following year. The woad is a greedy plant that likes rich soil…


Il y en a à qui j’ai demandé un gros sacrifice: celui d’être en pot! Mais c’est pour la bonne cause, celle de servir de « support pédagogique » pour mes animations de teinture, pour montrer au public à quoi ça ressemble.
One has been asked for a big sacrifice: being in a pot! But it’s for a good cause: serve as an « educational aid » for my dyeing demonstrations, to show the public what it looks like.

Beaucoup de plantes que l’on qualifie de mauvaises herbes sont comestibles et/ou médicinales. Consoude, plantain, ortie, chénopode etc. la liste est longue!
Many plants qualified as « weeds » are edible and/or medicinal. Comfrey, ribwort, nettle, goosefoot etc. the list is long!


Certaines sauvageonnes sont spectaculaires et sublimes, comme cette Euphorbe (censée éloigner les taupes, mais les taupes ne me dérangent pas autant que les campagnols…)
Some wildlings are spectacular and beautiful, like this spurge (supposed to keep moles away, but moles don’t bother me as much as voles do…)

Je ne cesserai jamais d’être fascinée par les formes qu’on trouve dans la Nature, c’est un plaisir sans cesse renouvelé d’admirer cette complexité et cette beauté. Des petits prodiges d’adaptation, des chefs d’œuvre qui m’émeuvent toujours autant…
I’ll never cease to be fascinated by the forms found in Nature, it’s an ever-renewed pleasure to admire this complexity and beauty. Small prodigies of adaptation, masterpieces that still move me…

J’ai régulé ma population d’orties envahissante: celles-ci seront séchées pour être réduite en poudre. C’est une plante très riche en minéraux comme le calcium, le magnésium et le fer, ainsi qu’en vitamines. Après les soupes d’orties de sortie d’hiver, je me servirai des feuilles séchées pour saupoudrer sur les salades ou le matin dans les flocons d’avoine, c’est un bon allié des articulations et des fonctions rénales. Avec celles que j’ai laissé pousser, je referai des tests de fibres, l’année dernière j’avais raté mon rouissage…
I’ve regulated my invasive nettle population: these ones will be dried and ground into powder. This plant is very rich in minerals such as calcium, magnesium and iron, as well as vitamins. After the nettle soups at the end of winter, I’ll use the dried leaves to sprinkle over salads or in the morning oatmeal, as it’s good for joints and kidney function. I’ll be doing fibre tests again with the ones I’ve left to grow, last year I messed up my retting…

J’ai pris du retard sur mes semis, une partie n’ayant pas levé à cause des températures trop basses dans ma véranda. Et je ne voulais pas sortir de lampe et de chauffage… J’ai recommencé, notamment mes basilics (Tulsi et Thaï) et ma Persicaire à indigo, bien protégée des tentatives de grattage de la chatte, qui adore autant grattouiller la terre que nous, mais pour d’autres raisons!
I’m running late with my seedlings, some of which didn’t germinate because the temperature in my veranda was too low. And I didn’t want to take out lamps and heating… So I started all over again, especially with my basil (Tulsi and Thai) and my Japanese indigo, well protected from the scratching attempts of the cat, who loves digging in the earth as much as we do, but for different reasons!

Par contre, j’ai malheureusement passé l’âge de grimper élégamment aux arbres…
As for me, I’m unfortunately past the age of elegantly climbing trees…

Côté jardin d’agrément, c’est l’époque des floraisons spectaculaires des sceaux de Salomon sauvages installés depuis des décennies et des fleurs cultivées comme les ancolies, rhododendrons et autres.
Un équilibre s’est installé entre les « sauvages » et les « civilisées », les unes ayant autant leur place chez nous que les autres. J’avoue qu’il y a certains coins du jardin où les sauvageonnes ont pris le dessus…
In the ornamental part of the garden, it’s a time of spectacular blooms from wild Solomon’s seals, which have been in place for decades, and cultivated flowers such as columbines, rhododendrons and others.
A balance has been established between the ‘wild’ and the ‘civilised’, with some having just as much a place here as others. I admit that in some places of the garden, the wildlings have won…

« Le jardin est la prolongation naturelle d’une conception de la vie » – Erik Orsenna
‘The garden is the natural extension of a concept of life’ – Erik Orsenna


Nous laissons beaucoup de place à la nature sauvage, plantes et animaux, tout en cultivant des plantes que nous trouvons belles, notamment de nombreuses variétés de fougères qui se plaisent dans nos conditions de bordure de forêt. Elles sont tout aussi belles que des fleurs dans un jardin, avec leurs frondes de formes et de silhouettes si diverses.
We are leaving a lot of space for wild nature, plants and animals, while cultivating some plants that we find beautiful, like these many varieties of ferns which like our conditions near the forest. They are just as beautiful as flowers in a garden in my opinion, so diverse are the shapes and look of their fronds.



Que ce soit au soleil ou sous la pluie et dans l’ombre, on peut toujours s’émerveiller devant quelque chose dans un jardin un peu sauvage. Je plains sincèrement ceux qui ne savent plus voir la beauté dans les petites choses de la Nature et je pense qu’au lieu de vendre à prix d’or du « développement personnel » et des thérapies pour aller mieux, il faudrait simplement prendre beaucoup de gens par la main et les emmener dans la Nature juste à coté… Ouvrir les yeux sur elle ouvre aussi le cœur et nourrit l’âme.
Whether in the sun or in the rain and shade, you can always marvel at something in a slightly wild garden. I sincerely pity those who no longer know how to see the beauty in the little things of Nature and I think that instead of selling « personal development » and therapies to make people feel better at a high price, we should simply take a lot of people by the hand and take them out into Nature right next door… Opening the eyes onto it also opens your heart and nurtures your soul.

Il y a de la magie partout quand on y regarde bien. Chut, laissons danser cette jeune fougère dans l’ombre…
There’s magic everywhere when you look close. Shhh, let’s this young fern dance in the shade…

J’ai beau bien connaître la biologie et l’écologie, je reste en admiration devant ces petits miracles quotidiens, surtout à cette époque de l’année où tout pousse. Quand on y réfléchit, c’est réellement extraordinaire: grâce à la lumière du soleil, les plantes transforment l’eau et le CO2 en énergie et en matière, en produisant de l’oxygène. Oxygène que nous respirons à notre tour et qui sert à construire nos cellules. Nos propres corps, les plantes, les animaux et même les roches contiennent les mêmes atomes, qui étaient déjà là peu après la naissance de l’Univers, « nous sommes tous des poussières d’étoiles » comme disait Hubert Reeves… Une fois qu’on a commencé à méditer ce fait et à voir toutes ces connexions, notre perception du monde change.
Mon esprit scientifique ne peut que s’incliner devant la complexité et la beauté du Vivant. Personnellement, savoir comment marche la photosynthèse ou le cycle du carbone ne m’empêche pas de parler aux arbres…
No matter how much I know about biology and ecology, I’m still in awe of these little daily miracles, especially at this time of the year when everything is growing. When you think about it, it’s really extraordinary: thanks to sunlight, plants transform water and CO2 into energy and matter, producing oxygen. Oxygen that we, in turn, breathe and that is used to build our cells. Our own bodies, plants, animals and even rocks contain the same atoms, which were already there shortly after the birth of the Universe, « we are all stardust » as Hubert Reeves used to say… Once you start to reflect upon that and you see all these connections, your world view changes.
My scientific mind can only bow to the complexity and beauty of Life. Personally, knowing how photosynthesis or the carbon cycle works doesn’t prevent me from talking to trees…


Dans mon travail de teinturière également, il m’es très important d’avoir une relation avec les plantes tinctoriales, savoir comment elles poussent, comment elles vivent et ce qui influence leurs pouvoirs tinctoriaux. Je suis obligée d’acheter mes plantes séchées à des cultivateurs professionnels, n’étant pas cultivatrice et ayant besoin de grandes quantités en une année. Mais en cultiver et les préparer moi-même m’aide à comprendre les procédés et me rend exigeante sur la qualité offerte par de gros producteurs, qui me déçoit de plus ou plus souvent. Comme pour les fruits et légumes, les trop gros producteurs veulent faire de l’argent avec moins d’investissement en temps et en attention…
Ici, je voudrais avoir une pensée amicale pour tous les petits producteurs chez qui je me fournis, que ce soit en plantes comestibles, médicinales et tinctoriales. Vous avez un métier magnifique mais ô combien difficile et je vous souhaite bon courage pour cette nouvelle année de cultures et de récoltes!
In my work as a dyer, it’s very important for me to have a relationship with dye plants, knowing how they grow, how they live and what influences their dye powers. I have to buy most of my dyestuff from professional growers, because I’m not a farmer and need large quantities in the course of a year. But growing and processing some myself helps me understand the process, and makes me picky about the quality that some big sellers are providing, more and more disappointing. As in fruits and vegetables, the big producers want to make more money with less care…
At this point, I would like to send my best thoughts to all the small growers from whom I buy edible, medicinal and dye plants. You have a wonderful but oh-so-difficult job, and I wish you all the best for this new year of growing and harvesting!



La prochaine fois, je vous parlerai d’une récolte faite récemment pour mes recherches sur la pourpre d’imitation, il s’agit encore de la garance, une autre extraordinaire et magnifique plante!
Next time, I will tell you about a harvest I recently made for my fake purple research, it’s again about madder, another incredible and wonderful plant!

Et vous? Vous aimez jardiner et/ou cultiver? Qu’est-ce que ça vous apporte?
And you? Do you like gardening and/or cultivating? What does it mean to you?

What wonderful photos! I think the ferns are my favorites.
Bonjour, Micky. Tisserande, teinturière, guérisseuse des âmes, philosophe ! Vous avez tout compris des secrets d’une vie simple dans notre Mère Nature ! Merci pour ce super beau post.
Juste une question : chaque fois que je fais une nouvelle teinture végétale (hier c’était avec les pelures d’oignon), en jetant les eaux de mordançage et de teinture sur l’herbe de l’enclos où je travaille, je me demande si je fais bien. Y a-t-il danger pour l’environnement ou bien l’alun et autres produits pour la teinture sont-ils inoffensifs pour la nature ?
Bien cordialement
Nellie
Merci Nellie!
Pour répondre à votre question: l’alun est couramment utilisé pour le traitement des eaux potables (c’est un floculant), il y a bien pire comme produit usuel… Vous n’utilisez sans doute pas de très grandes quantités, je pense que vous ne présentez pas de danger en jetant vos résidus dans l’herbe! 😉
Amicalement, Micky
bonjour, je suis aussi croyante en la mère nature qui est forte, résiliente, résistante et belle. Nous sommes tous des êtres vivants fonctionnant sur les mêmes principes. Article très intéressant dont ressort un bien-être intérieur, apaisé à mille lieux de la vie urbaine, en harmonie avec la nature. Une belle lecture.
Petite question, j’ai un potager en bac et je cherche à savoir si l’eau de rinçage de mes colorations végétales cheveux (poudres tinctoriales et ayurvédiques) pouvait servir pour l’arroser? De prime abord, j’ai tendance à tout mettre au potager , les plantes ayant l’intelligence de prendre ce qui leur convient.
merci
Bonjour,
et merci!
normalement, ça ne devrait pas poser de problème d’arroser avec l’eau des rinçages, tout étant une question de dosage, mais vous n’avez sans doute pas de très grandes quantités.
Amitiés, Micky
Merci, Micky. Je suis amplement rassurée et puis continuer mes teintures avec bonheur. XX