Pour mon stock de laine à vendre, il me fallait des nuances à base de cochenille, j’ai donc eu une grosse session de teinture avec ces bestioles. Actuellement, j’utilise de la cochenille venant de chez Cochinilas Guatiza une entreprise familiale de l’île de Lanzarote, aux Canaries.
For my stock of wool for sale, I needed cochineal-based shades, so I had a big dyeing session with these bugs. I currently use cochineal from Cochinilas Guatiza, a family-run business on the island of Lanzarote in the Canary Islands.

La cochenille fait partie de ces colorants où je « triche » pour des teintures compatibles avec des reconstitutions historiques. En effet, la Cochenille maintenant élevée aux Canaries (Dactylopius coccus) est d’origine Sud-Américaine et n’était évidemment pas utilisée en Europe durant l’Antiquité ou au Moyen-Age. Cependant, l’usage de cochenilles est sourcée depuis longtemps (textes antiques et médiévaux, analyses tinctoriales de textiles) en Europe et autour de la Méditerranée. Avant l’arrivée des insectes sud-américains, on utilisait notamment la cochenille d’Arménie ou de Pologne (du genre Porphyrophora) ainsi que bien évidemment le fameux Kermes.
Je rêverais de teinter avec ces espèces de cochenille mais seul le Kermes peut dorénavant s’acheter, à des prix prohibitifs d’ailleurs. Impossible de trouver de la cochenille d’Arménie ou de Pologne de nos jours, mais leur principe colorant est similaire à celui des cochenille américaines, l’acide carminique.
Cochineal is one of those dyes where I ‘cheat’ to make the dyes compatible with historical reenactment. Indeed, the cochineal now bred in the Canaries (Dactylopius coccus) is of South American origin and was obviously not used in Europe during Antiquity or the Middle Ages. However, the use of cochineal has long been documented (ancient and medieval texts, dye analysis of textiles) in Europe and around the Mediterranean. Before the arrival of South American insects, Armenian or Polish cochineal (of the Porphyrophora genus) and, of course, the famous Kermes were used.
I’d love to dye with these types of cochineal, but only Kermes can be bought these days, and at prohibitive prices. It’s impossible to find Armenian or Polish cochineal, but their colouring molecule is similar to that of American cochineal, mainly carminic acid.
La teinture à la cochenille est très satisfaisante tant la richesse en colorant de ces insectes est impressionnante, mais elle diffère tout de même un peu des teintures à mordants classiques avec des plantes comme la gaude ou la garance. On peut obtenir une variété quasi infinie de nuances en jouant avec les mordançages, le pH ou les nuançages post-bain (avec du fer par exemple). En règle générale, un pH acide va tirer les colorants vers le rouge.
Cochineal dyeing is very satisfying because of the impressive richness of these insects in colour, but it differs slightly from classic mordant dyes using plants such as weld or madder. An almost infinite variety of shades can be obtained by playing with mordants, pH or post-dye treatments shades (with iron, for example). As a general rule, an acid pH will pull the dyes towards the red.
Ici, j’ai commencé par une recette de rouge bordeaux que j’utilise depuis des années maintenant et qui demande 25-30% de cochenille (oui, c’est beaucoup!) sur laine non mordancée avec ajout de crème de tartre. Les bains de suite vont encore donner de magnifiques magenta, roses ou violets, donc on peut profiter au maximum de ce bain puissant en y teintant pas mal de choses!
Here, I started with a burgundy red recipe that I use for many years now, with 25-30% of cochineal (quite a lot!) on unmordanted wool with addition of cream of tartar. The use of the dyebath for lighter shades is rewarding, giving beautiful magenta, pink or purple. One can really make the most out of this powerful dyebath.

L’une des particularité de la cochenille est de ne dévoiler son résultat final qu’après la montée en température, généralement vers 80°C (quand il y a des petites bulles qui montent régulièrement du fond du chaudron). Voici à quoi ressemble le futur bordeaux vers 40°C, c’est un rouge légèrement rosé et pâle. Patience, ça monte…
One of the particularities of cochineal is that it does not reveal its final result until the temperature has risen, generally to around 80°C (when little bubbles regularly rise from the bottom of the cauldron). This is what the future burgundy looks like at around 40°C, a pale, slightly pinkish red. Patience, it’s coming…

J’ai utilisé 25% de cochenille ici, pour un bordeaux plus foncé, on peut aller plus haut en concentration.
I used 25% of cochineal here, but you can use more.


Il y a un ingrédient important pour un beau bordeaux, c’est la crème de tartre ou bitartrate de potassium, qui est un sous-produit de la vinification où il se forme naturellement dans les tonneaux. On l’ajoute dans les cochenilles préalablement pulvérisées et mises à tremper une nuit avant la teinture à raison de 12% (dans de l’eau de pluie pour ma part, car la cochenille est très sensible à la qualité de l’eau). Voici ce qui arrive quand on l’oublie: en haut un coupon de laine « comme il faut » avec 28% de cochenille et en bas un coupon pour lequel j’ai tout simplement oublié d’ajouter le tartre! Une couleur tient à peu de choses et il faut toujours être précis en teintures…
An important ingredient for a good burgundy red is cream of tartar or potassium bitartrate, which is a by-product of the wine-making process, where it forms naturally in the barrels. The cream of tartar is added to the cochineal, which have been pulverised and left to soak overnight before dyeing, at a rate of 12% (in rainwater in my case, as this dye is quite sensitive to the quality of the water). Here’s what happens when you forget: above, a ‘proper’ piece of wool with 28% cochineal, and below, a piece for which I simply forgot to add the tartar! You always have to be precise when dyeing…

Ces morceaux de tissu de laine font partie d’une grosse commande pour un musée en Allemagne sur laquelle je suis en train de travailler, je vous en dirais davantage prochainement!
These pieces of fabric are part of a bigger order for a museum in Germany that I’m working on. I will tell you more in a future blog post!

Le violet très foncé a été obtenu par un mordançage combinant des sels de fer et du tartre, le violet plus clair est un rose qui a été nuancé avec du fer après teinture. Quand j’utilise du fer à l’atelier, je fais toujours très attention pour ne rien contaminer: il y a des chaudrons dédiés à tout ce qui contient du fer et bien sur des touilettes et gants dédiés! J’utilise du sulfate de fer parce que je dois être capable de reproduire certaines nuances et que je peux le doser très précisement, mais l’acétate de fer marche bien aussi (bouts de ferraille mis à tremper dans de l’eau vinaigrée ou « soupe de clous »). Habituellement, je n’utilise jamais plus de 4-5% de sulfate de fer, au-delà cela abîme la laine.
The very dark purple was obtained by a mordanting process combining iron salts and tartar, while the lighter violet is a pink that has been treated with iron after dyeing. When I use iron in the workshop, I’m always very careful not to contaminate anything else: there are dedicated pots for anything involving iron and of course dedicated stirring sticks and gloves! For being able to reproduce certain shades, I use iron sulfate that I can precisely weigh out, but iron acetate (soaking iron scraps in acidic water) works also. Usually, I never use more than 4-5% otherwise, it can harm the wool.



C’est également très beau de sur-teinter des écheveaux teintés à l’indigo avec de la cochenille, les violets sont profonds et lumineux et les possibilités, là encore, vraiment incroyables!
It’s alos really beautiful to over-dye indigo-dyed skeins with cochineal, the obtained purples are deep and shiny and possibilities, once again, are incredible!


L’été ne s’est pas vraiment installé chez moi et j’ai encore eu beaucoup de pluie, parfait pour récupérer des dizaines de litres pour mes bains de cochenille et mes cuves d’indigo en fermentation!
Summer didn’t really start here and there’s still some very rainy days, perfect for getting dozens of liters of fresh rainwater for my cochineal baths and my indigo fermentation vats!


Quand le temps est vraiment trop mauvais, il y a toujours du travail à faire au sec à l’atelier… Mise en écheveaux, etiquettes, pelotes…
When the weather is really awful, there’s always some work to do inside. Skeining, labelling, winding balls…


L’eucalyptus en face de l’atelier commence à déquasmer, une particularité de ces arbres. Et après la pluie, ça sent divinement bon!
The eucalyptus in front of the workshop starts to shed its bark, as eucalypts do. And after rain, it smells so good!

vous faites un métier formidable, quel bonheur de partager les récits de votre passion, merci !
je vous suis depuis longtemps maintenant et je suis toujours autant bluffée par la beauté des couleurs que vous obtenez. Merci de partager tout cela avec nous si joyeusement et pédagogiquement.